Deux filtres, ça suffit

La photographie numérique a changé beaucoup de choses, mais il reste toujours un invariant : il faut saisir la lumière sur une surface sensible. Alors, depuis longtemps, les photographes ont appris à jouer avec la lumière pour en tirer le meilleur parti et pendant des années, on a vu des pros se promener avec des quantités de matériel qu’eux seuls savaient utiliser. Parmi les objets les plus bizarres et sujets au plus grand nombre de mythes se trouvent les filtres.

Pendant des années, on a vu des filtres ronds et des carrés, des portes-filtres, des gélatines de couleur ou grises, des dégradés, des empilements, des objets curieux et colorés dont on entendait qu’ils servaient à renforcer le ciel, les nuages, l’herbe, les arbres, les glaciers de montagne, les reflets des lacs et qu’ils servaient à adoucir le ciel, les nuages, l’herbe, les arbres, les glaciers de montagne, les reflets des lacs. Bref, sauf quelques spécialistes vénérés, respectés autant que les grands prêtres mayas (apparemment sans que ces photographes spécialistes n’aient à recourir au sacrifice humain plus que leurs contemporains), personne ne savait vraiment à quoi cela servait. OK ! J’exagère. Il y avait quelques recettes retenues par les uns ou les autres, mais l’ensemble restait bien incompréhensible.

Avec l’arrivée de la photographie numérique tout à changé : Photoshop ou The Gimp ou tout autre logiciel permettait de remplacer tous les filtres de couleur et le photographe a pu jeter tout son stock de filtres et passer à des choses plus simples (ou plus compliquées, c’est selon). On s’est précipité dans les modes d’emploi logiciels.

Mais c’était une erreur ! S’il est exact que l’immense majorité des filtres sont contenus dans le moindre Photoshop-like, ce n’est pas le cas de tous. Les filtres de couleur sont standard dans Photoshop. Les dégradés sont enfantins à réaliser. La correction des couleurs, la correction de l’exposition, tout cela est plus facile sur Photoshop qu’avec une volée de gélatines fragiles posées sur un porte-filtre compliqué et cela se fait de manière aisée à rattraper si on se trompe.

Mais il y a deux filtres incontournables (et je ne parle pas de l’inutile filtre anti-UV qui ne sert qu’à protéger la lentille frontale) que l’informatique ne peut guère remplacer :

  • Le filtre polarisant
  • le filtre gris neutre très dense

Polarisant

Un polarisant filtre sélectivement la lumière en fonction de sa polarisation (une propriété physique peu visible en général mais qui est très mesurable sur la lumière réfléchie). Le filtre va pouvoir réduire la luminosité des reflets sans toucher au reste de l’image, un truc inaccessible à Photoshop par principe. Cela joue aussi sur un certain nombre d’autres situations dont la densité du ciel qui varie en fonction de l’angle avec la lumière du soleil.

pola
Les effets d’un filtre polarisant sur le ciel dans une photographie. L’image de droite utilise un tel filtre.

S’il vous faut un seul filtre, ce sera un polarisant.

Une seule remarque : si vous avez un vieux polarisant qui date de l’époque du film argentique, vérifiez d’abord que c’est un polarisant circulaire. En effet, les polarisants linéaires, plus anciens et moins chers, fonctionnaient bien avec le film argentique mais sont incompatibles avec les capteurs numériques. A savoir, mais on ne vend plus aujourd’hui que des filtres polarisants circulaires.

Gris neutre dense

L’autre filtre utile est un filtre gris neutre à haute densité. Un filtre gris neutre pale (vous voyez à travers) n’est guère utile avec la considérable gamme de sensibilité de nos appareils photo : il suffit de décaler un peu l’exposition ou la sensibilité (ou de faire de même avec Photoshop, toujours). Par contre, si vous allez chercher un ND400, vous remarquerez que s’il est encore possible d’apercevoir quelque chose à travers, on est passé à un autre stade. Le filtre est tellement dense que c’est comme si vous aviez une sensibilité qui tombait très nettement en dessous des habituels 100 ISO. Conséquence : des poses longues même en plein jour : Au lieu de 1/200s, vous allez avoir besoin de 5s de temps de pose (1000 fois plus). Bienvenue aux filets de mouvement même sur des objets lents et en plein soleil.

L’application la plus courante (ou la plus couramment utilisée) est alors le paysage dans lequel on a incorporé le flou de mouvement de la mer ou d’une rivière, comme dans les exemples ci-dessous.

Foam
Creative Commons License photo credit: -Chiotas-
Giardini Naxos - Endless rope
Creative Commons License photo credit: ciccioetneo
island dew..
Creative Commons License photo credit: dahon©

Attention !

Pour répondre à une question de Sébastien, je me permets de rappeler les précautions élémentaires quand on utilise un filtre.

  • Utiliser un filtre de bonne qualité : vous avez choisi une optique de luxe avec des lentilles en fluorine ou en verre ED ; ne mettez pas n’importe quel bout de plastique devant si vous ne voulez pas gagner des effets supplémentaires (comme distorsion optique et aberration chromatique). Malheureusement, le prix est à l’avenant.
  • Si vous utilisez un grand angle (c’est souvent le cas en paysage, non ?), prenez un filtre à rebord très fin pour qu’il ne vienne pas obturer le champ (et créer une léger vignetage). Là aussi cela a un prix (surtout pour les polarisants qui sont mécaniquement plus complexe).
  • Pour les filtres gris neutres, attention à la dérive chromatique introduite par les filtres les plus denses et les moins chers. C’est souvent rattrapable par le logiciel, mais il est à noter que le filtre gris peut être un peu bleu ou un peu orange (selon les marques).

Alors ? Deux filtres dans le sac, ce n’est pas compliqué.

Évidemment, avec cinq optiques, vous risquez d’avoir cinq diamètres de filetages différents. Mais c’est infiniment moins que par le passé.

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